(0)

Rome

E-book


Emile Zola (1840-1902)

"Pendant la nuit, le train avait eu de grands retards entre Pise et CivitĂ  Vecchia, et il allait ĂȘtre neuf heures du matin lorsque l’abbĂ© Pierre Froment, aprĂšs un dur voyage de vingt-cinq heures, dĂ©barqua enfin Ă  Rome. Il n’avait emportĂ© qu’une valise, il sauta vivement du wagon, au milieu de la bousculade de l’arrivĂ©e, Ă©cartant les porteurs qui s’empressaient, se chargeant lui-mĂȘme de son lĂ©ger bagage, dans la hĂąte qu’il Ă©prouvait d’ĂȘtre arrivĂ©, de se sentir seul et de voir. Et, tout de suite, devant la gare, sur la place des Cinq-Cents, Ă©tant montĂ© dans une des petites voitures dĂ©couvertes, rangĂ©es le long du trottoir, il posa la valise prĂšs de lui, aprĂšs avoir donnĂ© l’adresse au cocher :

« Via Giulia, palazzo Boccanera. »

C’était un lundi, le 3 septembre, par une matinĂ©e de ciel clair, d’une douceur, d’une lĂ©gĂšretĂ© dĂ©licieuses. Le cocher, un petit homme rond, aux yeux brillants, aux dents blanches, avait eu un sourire en reconnaissant un prĂȘtre français, Ă  l’accent. Il fouetta son maigre cheval, la voiture partit avec la vive allure de ces fiacres romains, si propres, si gais. Mais, presque aussitĂŽt, aprĂšs avoir longĂ© les verdures du petit square, arrivĂ© sur la place des Thermes, il se retourna, souriant toujours, dĂ©signant de son fouet des ruines.

« Les thermes de DioclĂ©tien », dit-il en un mauvais français de cocher obligeant, dĂ©sireux de plaire aux Ă©trangers, pour s’assurer leur clientĂšle.

Des hauteurs du Viminal, oĂč se trouve la gare, la voiture descendit au grand trot la pente raide de la rue Nationale. Et, dĂšs lors, il ne cessa plus, il tourna la tĂȘte Ă  chaque monument, le montra du mĂȘme geste."

L'abbĂ© Pierre Froment, avec qui nous avons fait connaissance dans le roman "Lourdes", part Ă  Rome pour dĂ©fendre, auprĂšs du Saint-SiĂšge, son livre "La Rome nouvelle" menacĂ© d'ĂȘtre mis Ă  l'index.

DeuxiĂšme roman de la trilogie "Les trois villes".