Gaston Leroux (1868-1927)
"â Comment va Mme Raucoux-Desmares, mon cher maĂźtre ? On ne la voit plus !
â Elle est un peu souffrante, rĂ©pondit Ă©vasivement le cĂ©lĂšbre professeur Raucoux-Desmares Ă la petite Mme Lavallette quâil avait croisĂ©e dans le vestibule de son fameux institut de Saint-RĂ©my-en-Valois, transformĂ©, sur son initiative, en hĂŽpital militaire ; et il hĂąta le pas vers la sortie.
Il venait de passer encore une nuit blanche, car le dernier train du Nord avait laissĂ© Ă Saint-RĂ©my une douzaine de grands blessĂ©s qui avaient dĂ» ĂȘtre opĂ©rĂ©s dâurgence. Depuis trois jours il nâavait pas dormi huit heures ; et comme il allait ĂȘtre cinq heures du matin et quâon attendait dâautres blessĂ©s Ă onze heures, il nâavait pas de temps Ă perdre. Son repos aurait dĂ» ĂȘtre aussi prĂ©cieux aux autres quâĂ lui-mĂȘme. Câest sans doute ce quâil aurait dĂ©sirĂ© que la petite Mme Lavallette comprĂźt bien ; mais elle courut derriĂšre lui.
â Mon cher maĂźtre ! mon cher maĂźtre ! Je tiens Ă vous dire...
â Quoi ? demanda-t-il assez brusquement en jetant un coup dâĆil sĂ©vĂšre sur la coiffe trop seyante, sur la blouse trop Ă©chancrĂ©e, sur tout ce costume coquet de la Croix-Rouge qui faisait de cette petite mondaine de province une infirmiĂšre dĂ©licieuse, mais quâil avait de la peine Ă prendre au sĂ©rieux, bien quâelle montrĂąt un zĂšle infatigable.
â Mon Dieu ! mon cher maĂźtre ! comme vous avez lâair mĂ©chant, ce matin !..."
1916. La guerre fait rage. Le couple franco-allemand Raucoux-Desmares vit moralement des temps difficiles. Quel choix fera leur jeune fils, Confitou ? Sera-t-il Allemand ou Français ?