Un grand Boudard, dans le sillage de «La Métamorphose des cloportes».
Beaucoup de gens ignorent que la cerise c’est la guigne, la poisse, la malchance. Une vieille pote à moi, ma chère compagne, mon amoureuse folle que je retrouve à tous les coins de rue de mon parcours. Si elle me colle au train, la salope ! me saoule, m’ahurit ! Toujours là, fidèle à tous les rendez-vous ! Fidèle comme un chien, fidèle comme la mort. J’ai beau faire, toucher du bois, me signer, éviter l’échelle par en dessous, j’arrive pas à l’exorciser. Elle me sourit en Code pénal, me roule des patins aux bacilles, me fait des caresses au bistouri, m’envoie pour ma fête des bouquets de flicailles, d’huissiers, des billets doux papier bleu. Même aux brèmes j’ai rarement beau schpile, j’ose plus les toucher, je m’écarte des tripots. Rien à chiquer, je suis vu, je suis pris. C’est ça la Cerise, l’existence entre chien et loup, entre deux douleurs, entre deux gendarmes. (Alphonse Boudard.)
Alphonse Boudard est une légende de la littérature française d'après guerre aux côtés de René Fallet, Albert Simonin ou encore Antoine Blondin.
Né à Paris en 1925, de père inconnu et de mère trop connue, il est élevé dans le 13e arrondissement prolétaire. Résistant de la première heure, il reçoit la médaille militaire. Mais après la guerre, il vit de petits boulots et traficote. Il glisse doucement mais sûrement vers la pègre. Plusieurs séjours en prison et sanatorium lui inspireront La Cerise et L'Hôpital. À 33 ans, il se consacre à l'écriture. Sa langue est verte, nourrie de l'argot et du langage populaire. Ses romans sont largement autobiographiques. Au cinéma, il collabore avec Michel Audiard, puis écrira pour Jean Gabin.