Pierre Bouchardon (1870-1950)
"Le samedi 31 août 1895, vers une heure et demie du soir, un jeune pâtre, Victor Portalier, quittait la maison de son maître, Jacques Berger, cultivateur au hameau d’Onglas, commune de Bénonces, pour conduire ses moutons sur un coteau, dit « le grand pré ». C’était à environ deux kilomètres du village. D’autres petits bergers s’y donnaient rendez-vous. Chaque jour, ils formaient groupe et, sans perdre de vue leurs troupeaux, ils s’amusaient volontiers aux jeux de leur âge.
Une clairière à dix-sept mètres d’un chemin de desserte, un gros noyer, des champs de trèfle, des pâtures, un taillis de plants de genièvre, des broussailles, des bois, une pente rapide jusqu’au ruisseau d’Adin, ce mélancolique paysage du Bugey ne s’animait qu’à l’heure où les troupeaux y venaient paître.
D’ordinaire, Portalier quittait Onglas bien avant ses camarades. Ce fut le cas ce jour-là. Parti une bonne heure après lui, Jean-Marie Robin, un gamin de quinze ans, s’étonna de ne pas le voir, en arrivant à proximité du gros noyer. Livrés à eux-mêmes, les moutons de Berger avaient d’ailleurs envahi un champ de trèfle appartenant au cultivateur Caffon et ils y exerçaient d’inquiétants ravages.
Courant au plus pressé, Robin s’employa à les en déloger. Puis, l’ordre rétabli, il appela de sa plus grosse voix :
– Où donc te caches-tu, Victor ? C’est sûr que le garde va te dresser un bon procès-verbal, et tu ne l’auras pas volé !
N’obtenant pas de réponse, il lança de nouveaux appels à tous les échos. Ce fut en vain. Il allait se mettre à la recherche de l’absent, quand il aperçut, sous le noyer, une petite flaque rouge et quelques excréments. Ému au plus haut point, il héla d’autres bergers que ses cris avaient déjà alertés et qui se trouvaient de l’autre côté du ravin.
Documentaire.
Le 31 août 1895, le corps horriblement mutilé du jeune berger Victor Portalier est découvert. Un étrange chemineau est arrêté : Joseph Vacher. La liste de ses crimes s'allonge...