(0)

Louise Leclercq

E-book


Il n y a guĂšre de mĂ©lancolie plus Ă©paisse, de tristesse plus lourde que la pensĂ©e de vivre dans ces Ă©normes maisons de plĂątre, Ă  cinq et six Ă©tages, avec leurs innombrables volets gris, comme des poitrines de squelettes Ă  plat sur le blanc sale du mur, de l'ancienne banlieue parisienne. Je parle plus spĂ©cialement des quartiers paisibles, honnĂȘtes, oĂč la bĂątisse a prospĂ©rĂ© grĂące aux locataires bons payeurs, oĂč ont pu se former de trĂšs longues rues sans air et sans soleil. Le petit rentier qui rente si magnifiquement le possesseur de ces hideux phalanstĂšres a bien raison d'ĂȘtre pour la plupart du temps un imbĂ©cile, car qui pourrait, Ă  un certain Ăąge, le temps du repos venu, finir sa vie, non pas mĂȘme heureusement, mais tranquillement, dans de pareilles conditions d'insalubre laideur et de platitude vĂ©nĂ©neuse ? L'homme jeune, le mĂ©nage qui a sa fortune Ă  faire ou son pain Ă  gagner sur la vie de tous les jours, peut Ă  la rigueur admettre cette hygiĂšne absurde, s'y faire, la supporter, - au prix de quel ennui mĂ©chant, toutefois, de quelles sensations perverses, de quelles envies de briser Ă  jamais ce cadre noir et d'en sortir pour quelles fuites ! Et combien de lamentables culpabilitĂ©s de quelque ordre que ce soit pourraient s'expliquer, sinon s'excuser, par ces motifs tortueux, inavouĂ©s, insoupçonnĂ©s, de milieux analogues ou pareils ?