Eugène Dabit (1898-1936)
"Le médecin n’est resté que quelques minutes dans la chambre. Il a regagné vivement sa voiture où Paula s’est jetée derrière lui, tête nue. Et depuis elle n’a pas fait un geste, elle n’a plus dit un mot. Courbée, les bras inertes, elle se laisse glisser sur son siège, secouer par des cahots. Soudain, le médecin grogne. Alors, elle colle son front contre la vitre : la rue est barrée... Non ! jamais ils n’arriveront... rue de Belleville, tout en haut ! C’est la première fois qu’elle vient dans ce quartier... et à une heure si matinale ! Lorsqu’ils ont quitté Vaugirard, les rues étaient désertes, maintenant elles s’animent, une lueur bleuâtre y traîne. Des cafés sont ouverts : des hommes en sortent, y pénètrent, et tous, tous, ils commencent leur journée, ils continuent à vivre. Paula regarde, pour oublier. Impossible ! Elle se renverse, en sanglotant, et ne voit plus que le toit de la voiture, noir...
– Quel numéro ?
Paula ouvre sa main dans laquelle elle froissait un papier ; elle le déplie, le fixe des yeux, tandis que la lumière s’étale, que montent des bruits confus ; et encore une fois elle lit, d’une voix éteinte :
– En cas d’accident prévenir ma sœur Lucienne Dieulet, Bar du Télégraphe, 263."
2 janvier 1933 : Albert est mort ! Célibataire, il n'est pas mort chez lui mais chez une amie ! Que peut-il se passer dans la tête de ses proches pendant les 4 jours qui mènent du décès aux obsèques ?
Oeuvre toute en douceur par l'auteur de "HĂ´tel du Nord".