Investigations criminelles dans la famille
Le quatrième roman de Fortuné du Boisgobey présente déjà tout ce qui va faire la force des romans criminels de l’auteur.
Héritier des grands feuilletonistes du Second Empire, il exploite tous les registres du roman populaire et ce sont des rapports familiaux qui sous-tendent toute l’intrigue du roman : c’est parce que son futur beau-frère est soupçonné de crime que le jeune comte Edmond de Sartilly se transforme en enquêteur, et c’est pour retrouver son fils que le policier Jottrat abandonne ses fonctions officielles pour lui venir en aide.
Logiquement, c’est ensuite le registre criminel qui prend le pas, et le récit alors se dédouble : d’un côté l’enquête policière pour tenter de découvrir le coupable du crime ; de l’autre une chasse au trésor afin de mettre la main sur une fortune que le criminel tente aussi de s’approprier.
Boisgobey sait manier le suspense et parfaitement utiliser la dynamique de son récit : enlèvement, séquestration, poursuite, combat… l’aventure bat son plein. Par ailleurs, il est un magnifique historien de son siècle, principalement en ce qui concerne Paris, dont il évoque la physionomie dans les années 1840.
Le roman paraît initialement dans le Petit Moniteur Universel du Soir, du 31 décembre 1869 au 19 mars 1870, et sera publié en librairie par Dentu en 1875, sous le titre La Tresse blonde.
Un roman policier mené tambour battant, avec de nombreux rebondissements et un suspense haletant.
EXTRAIT
Le bois de Boulogne, en 1847, n’avait pas subi les transformations qui, de nos jours, en ont fait un parc anglais. C’était alors un taillis clairsemé, coupé par de rares allées, poudreuses l’été, boueuses l’hiver, et le monde élégant n’y connaissait pas d’autre promenade que le talus des fortifications. Au mois de février et au petit jour, la porte Maillot était en ce temps-là un lieu absolument désert, où on pouvait s’attendre à rencontrer tout au plus quelque duelliste matinal.
Cependant, le mercredi des Cendres de cette année 1847, vers huit heures du matin, un mouvement inaccoutumé animait les abords d’un restaurant assez en vogue, qui occupait une petite maison bâtie au coin de l’avenue de Neuilly et du bois. Deux calèches et trois ou quatre de ces cabriolets haut perchés sur leurs roues qu’affectionnait la jeunesse dorée de l’époque, stationnaient à la porte ; les fenêtres du premier étage étincelaient de lumière et laissaient passer le bruit affaibli d’un souper joyeux.
La blanche nappe de neige étendue sur la route et les grands arbres dépouillés encadraient d’une façon bizarre ce pavillon plein de mouvement et de clarté ; le jour venait, un jour gris et pluvieux ; une vapeur humide montait de la terre détrempée. Les chevaux, qu’on n’avait pas dételés, frissonnaient sous leurs couvertures, et les domestiques chargés de les tenir piétinaient pour se réchauffer, tout en maugréant contre leurs maîtres.
A PROPOS DE L'AUTEUR
Fortuné du Boisgobey est né en 1821 et mort en 1891. Écrivain emblématique du XIXe siècle, il s'est essayé au genre du roman policier, judiciaire et historique. Ayant connu un succès considérable de son vivant, il est considéré comme l'un des plus grands feuilletonistes de la littérature française. Il fut à la tête de la Société des Gens de Lettres entre 1885 et 1886.