Depuis quelques années la représentation des espaces ruraux dans les
textes de langue française semble avoir profondément changé. Là où
pendant de longues années planait sur la ruralité un certain soupçon
idéologique (hérité des textes de Barrés et réactualisé par Richard Millet)
ou une tendance régionaliste (Giono ou Pagnol), la littérature des
années 2000 dépeint les espaces ruraux dans toute sa diversité. Cette
mue ne s’est pas produite sans heurts, le malentendu provoqué par Pays
perdu de Pierre Jourde illustre à merveille le décalage entre une parole
littéraire et la cruauté de l’espace que celle-ci s’attache à dépeindre.
Cruauté que relate également Jean-Baptiste De Amo dans Règne animal.
Marie-Hélène Lafon nous raconte son Cantal natal en insistant tant
sur la fin du monde rural tel que nous le connaissons que sur celles et
ceux qui quittent les campagnes pour s’installer dans les grandes villes.
Céline Coulon, dont de nombreux textes se situent dans des fermes,
s’attache à rendre justice à ces endroits à la poésie rare, mais inéluctablement
ambigus.