Voilà, ô homme de Dieu, Césaire, le bref exposé que je te présente au sujet de la perfection de la vie vertueuse, où j'ai décrit la vie du grand Moïse comme un exemplaire expressif de la beauté, afin que chacun de nous, par l'imitation de ses oeuvres, transcrive en soi l'image de cette beauté qui nous a été proposée. Que Moïse en effet ait réussi à réaliser la perfection possible, quel témoin plus digne de foi en pourrons-nous trouver que la voix divine qui lui dit : “Je t'ai connu avant tous” – et aussi
le fait qu'il soit appelé par Dieu même “ami de Dieu” – et enfin qu'ayant choisi plutôt de périr avec tous, si Dieu ne se laissait pas toucher de pitié pour les choses mêmes par lesquelles il l'avait offensé, il ait arrêté ainsi la colère de Dieu contre les Israélites, Dieu lui-même ayant détourné sa condamnation, afin de ne pas faire de la peine à son ami. Tout cela est un témoignage évident et une preuve que la vie de Moïse s'était élevée jusqu'à la limite extrême de la perfection.
Donc puisque tel était notre propos de savoir en quoi consiste la perfection de la conduite vertueuse et que nous avons découvert cette perfection par ce que nous avons dit, il est temps, homme généreux, de te tourner vers le modèle et, transportant ce que la contemplation spirituelle des événements historiques nous a montré à ta propre vie, d'être reconnu par Dieu pour son ami et d'être tel en réalité. Car c'est là réellement la perfection […] de ne craindre qu'une chose, de perdre l'amitié divine et de n'estimer qu'une chose honorable et aimable, de devenir ami de Dieu, ce qui est, à mon sens, la perfection de la vie. »
GRÉGOIRE DE NYSSE, Vie de Moïse, SC 1, p. 325-327.