Thomas Mayne Reid (1818-1883)
"Mon nom est Philippe Forster, et je suis maintenant un vieillard. Jâhabite un petit village paisible, situĂ© au fond dâune grande baie, lâune des plus Ă©tendues quâil y ait dans tout le royaume.
Bien que mon village se glorifie dâĂȘtre un port de mer, jâai eu raison de le qualifier de paisible ; jamais Ă©pithĂšte ne fut plus mĂ©ritĂ©e. On y trouve cependant un mĂŽle de granit, et, en gĂ©nĂ©ral, on remarque le long de ce petit mĂŽle deux sloops, un ou deux schooners, et de temps en temps un brick. Les grands vaisseaux ne peuvent pas entrer dans le port ; mais on y voit toujours un grand nombre de barques, les unes traĂźnĂ©es sur la grĂšve, les autres glissant sur lâonde, aux environs de la baie. Vous en concluez sans doute que la pĂȘche est la principale industrie de mon village, et vous avez raison.
Câest lĂ que je suis nĂ©, et mon intention est dây mourir.
MalgrĂ© cela, mes concitoyens savent trĂšs peu de chose Ă mon Ă©gard. Ils mâappellent capitaine Forster, ou plus spĂ©cialement capitaine, comme Ă©tant la seule personne qui dans le pays ait quelque droit Ă cette qualification.
Je ne la mĂ©rite mĂȘme pas : je nâai jamais Ă©tĂ© dans lâarmĂ©e, et jâai tout simplement dirigĂ© un navire du commerce ; en dâautres termes je nâai droit quâau titre de patron ; mais la politesse de mes concitoyens me donne celui de capitaine."
Le vieux Philippe Forster se fait un plaisir de raconter, aux gamins de son village, son premier voyage transatlantique en direction du PĂ©rou : un voyage qu'il effectue en clandestin alors qu'il est tout jeune...