Paul Féval Fils (1860-1933)
"Sous la garde bienveillante et discrète du lieutenant d’Artagnan, la duchesse de Chevreuse s’acheminait sur Saint-Germain-en-Laye.
L’amie d’Aramis portait encore son costume de cavalier, le vêtement sombre de M. Bernard.
Depuis leur départ de Berny, sa prisonnière n’avait plus desserré les lèvres. Il la sentait absorbée par une préoccupation secrète, à laquelle il ne devait pas être étranger, car certains regards, jetés à la dérobée, de son côté, par Mme de Chevreuse n’avaient pas échappé à son œil perspicace.
L’attention de d’Artagnan avait été mise en éveil par deux petits faits. D’abord, il avait surpris la duchesse déchirant un papier (le billet de Mazarin), dont la lecture paraissait lui causer une vive émotion. Puis, il l’avait vue se baisser devant le foyer éteint et s’approcher d’un des pylônes de la porte pour tracer au charbon, sur la muraille, des signes mystérieux.
Quelques minutes après, le mousquetaire s’étant glissé à son tour près du pylône, n’y avait plus trouvé que les traces de caractères brouillés. Une main furtive avait effacé les mots écrits par la duchesse.
– Défiance ! pensa d’Artagnan. Il y a du Mazarini là-dessous.
« Point de doute, parbleu ! seul, le damné Italien a pu glisser un mot à la duchesse, derrière le dos du Cardinal. Seul, il est capable d’avoir inventé cette diabolique façon de répondre à sa lettre. Le maître fripon doit préparer un tour de sa façon, où tout le monde sera joué : le ministre et sa belle ennemie tous les premiers !"
Tome II
Suite de "Le chevalier Mystère"