Une peinture du Havre populaire des années 20. La misère n’arrive cependant pas à bout du rêve...
[...] La vie s’écoulait lentement à cette époque. C’était le temps du cinéma muet, de Louise Brooks, Joséphine Baker dansait dénudée, ça embrasait nos nuits d’adolescents plein de sève à imprimer nos draps de nouvelles îles non répertoriées... Des aventuriers de la branlette, des explorateurs de la torsion de guimauve... Notre quotidien aussi était presque muet, en noir et blanc, comme au ralenti...
Ma mère était couturière. Elle ravaudait l’impensable, elle rapiéçait le périssable, elle reprisait à l’infini... Dans notre salle qui servait aussi de boutique, c’était des empiècements à discrétion, du taffetas, du tulle, des chutes de tissus bariolés et puis des aiguilles, tant et tant à se croire dans un sous-bois à l’automne. Entre ses doigts décharnés, le fil semblait prendre vie. Une sorte d’araignée, ma mère ! Prisonnière de sa propre toile, dévorée de l’intérieur par sa tristesse et son sort d’être mariée à un brutal rêveur. [...]
Entre rêve et cauchemar, s’il est impossible de prétendre au réalisme, l’histoire que raconte Sébastien Gehan arrive à faire naître des images poétiques au milieu de la désolation...