Le poète a donné à son recueil la forme d’un voyage. Sa poésie, comme l’annonce déjà le titre, est toute en mouvement, et les titres en sont même remplacés par des panneaux de signalisation routière. Les images donnent à la réalité un sens qui change selon l’angle de la lumière dans laquelle celle-ci baigne. Ici, tout bouge sans cesse, passant de la nuit à la clarté du matin, mais aussi des brumes de la mémoire aux interprétations nouvelles que la réalité commande au présent :
«le soleil mûrit dans mes yeux : papa
un éblouissement
qui touche.»
Car ce voyage est une métaphore du passage des générations et des rôles que jouent les hommes et les femmes dans la famille, des rôles qui se transforment lorsque survient une nouvelle naissance. Ainsi, d’un «abîme qui unit mon père / à ce fils, caresse du silence / qui fixe la gorge de notre masculinité», la naissance d’un enfant à ce fils «sans que n’advienne la poussière / masculine» force cet aveu : «Je n’ai pas eu le toucher de la paternité. Je t’ai / connu tel quel.»
Alors voici, comme un secret révélé au lecteur, le sens du voyage entrepris :
«J’ai parlé d’un long voyage
comme qui irait se plaindre
de son autoportrait.»