Pierre Bouchardon (1870-1950)
"Le jeudi 17 mars 1887, jour de la mi-carême, la femme Toulouse, née Julie Garrier, cuisinière depuis douze ans chez Mme Régine de Montille, descendit, à sept heures du matin, de la chambre qu’elle occupait avec son mari, au cinquième étage, 17 rue Montaigne. Elle s’arrêta au troisième, comme elle en avait l’habitude, afin de prendre son service à l’appartement de sa maîtresse.
Régine de Montille était un nom de guerre. La personne qui s’était anoblie de la sorte se nommait tout simplement Claudine-Marie Regnault. Entrée, depuis plus d’un mois, dans sa quarantième année, elle avait su défendre contre les ravages du temps ses charmes physiques et, l’ancienneté comme au choix, elle occupait un certain rang dans le monde des courtisanes. Oh ! sans qu’elle s’affichât ou se livrât à des démonstrations tapageuses. Elle savait même garder une réserve de bon goût, sortait peu et ne recevait guère, tout au moins jusqu’à une époque récente, que les visites de ses amis attitrés. Elle était au surplus d’habitudes bourgeoises et tenait le livre de caisse de sa comptabilité d’amour avec beaucoup d’ordre.
Son personnel domestique comprenait, outre la cuisinière, une femme de chambre, Anne, dite Annette, Gremeret, qui la servait avec un dévouement aveugle depuis quatorze ans, et pour laquelle elle n’avait pas de secrets."
Le 17 mars1887, rue Montaigne à Paris, Julie Toulouse, cuisinière, découvre les cadavres massacrés de sa patronne Mme Regnault, une courtisane plus connue sous le nom de Régine de Montille, d'Anne Gremeret la femme de chambre, et de Marie-Louise Gremeret, la fille de cette dernière âgée de 9 ans...