« Quand vous êtes-vous rendu ? »
— Je ne me suis pas rendu !
— À quel moment avez-vous levé un drapeau blanc ?
— Ça ne s’est pas passé comme ça ! »
Ces quelques phrases résument à elles seules le drame vécu par André Segev, fait prisonnier le long du canal de Suez lors du premier jour de la guerre du Kippour, en septembre 1973. Mêlant aux souvenirs d’une famille désunie (Segev est arrivé en Israël à l’âge de 11 ans, envoyé par son père qui ne le rejoindra jamais) ceux de la découverte de son pays d’adoption, auquel il s’intégra avec ardeur, André Segev nous raconte sa tragique expérience de la guerre, de la défaite et la captivité qui la suivit, brutale. Bien au-delà du récit autobiographique, ce livre est une œuvre de libération par l’écriture d’une souffrance accumulée depuis plus de trente ans : devant l’incompréhension, voire le mépris des autorités vis-à-vis de ceux que l’on accusa injustement d’« avoir fui » devant l’ennemi, de « s’être livré ». C’est le témoignage d’un soldat pour qui un mythe, celui de Tsahal, s’est fêlé. Pessimiste sur l’avenir de la paix dans cette région du monde, Le Prisonnier du Kippour est une œuvre puissante et sombre. Elle reste pourtant chargée d’espoir.