Un récit érotico-philosophique incontournable, sans cesse réécrit par Sade.
POUR UN PUBLIC AVERTI. Dans ce conte dichotomique sur le bien et le mal, Justine s'évertue à suivre le droit chemin mais, rencontrant malheur sur malheur, elle est résolue à se comporter en libertine. Entre les scènes d'orgies du récit s'enchâssent des dissertations philosophiques et professions d'athéisme, des interrogations sur la religion, la morale, la justice et la vertu. Les Infortunes de la vertu (1787), est la première version écrite des trois Justine et n'a jamais été publié du vivant de Sade. Inconnu jusqu'en 1909, le manuscrit est mis à jour par Guillaume Apollinaire et publié pour la première fois en 1930. Les précautions de l'auteur dans cet ouvrage moins brutal que les versions suivantes peuvent être considérées comme une initiation dans son univers sadien, dont il se réserve plus tard la cruauté brute.
La plus « vertueuse » des trois versions qui mettent en scène la plus fameuse, avec Emma Bovary, des héroïnes de nos lettres françaises.
EXTRAIT
Le triomphe de la philosophie serait de jeter du jour sur l’obscurité des voies dont la providence se sert pour parvenir aux fins qu’elle se propose sur l’homme, et de tracer d’après cela quelque plan de conduite qui pût faire connaître à ce malheureux individu bipède, perpétuellement ballotté par les caprices de cet être qui, dit-on, le dirige aussi despotiquement, la manière dont il faut qu’il interprète les décrets de cette providence sur lui, la route qu’il faut qu’il tienne pour prévenir les caprices bizarres de cette fatalité à laquelle on donne vingt noms différents, sans être encore parvenu à la définir.
Car si, partant de nos conventions sociales et ne s’écartant jamais du respect qu’on nous inculqua pour elles dans l’éducation, il vient malheureusement à arriver que par la perversité des autres, nous n’ayons pourtant jamais rencontré que des épines, lorsque les méchants ne cueillaient que des roses, des gens privés d’un fonds de vertu assez constaté pour se mettre au dessus des réflexions fournies par ces tristes circonstances, ne calculeront-ils pas qu’alors il vaut mieux s’abandonner au torrent que d’y résister, ne diront-ils pas que la vertu telle belle qu’elle soit, quand malheureusement elle devient trop faible pour lutter contre le vice, devient le plus mauvais parti qu’on puisse prendre et que dans un siècle entièrement corrompu le plus sûr est de faire comme les autres ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Donatien Alphonse François de Sade, alias le Marquis de Sade (1740-1814) est un homme de lettres, romancier et philosophe français. La quasi totalité de son œuvre exprime un athéisme anticlérical et est teintée d'érotisme – souvent lié à la violence et à la cruauté –, ce qui lui a valu de connaître des mises à l'index et la censure. Sur les 72 ans qu'a duré sa vie, le Marquis de Sade en a passé 27 derrière les barreaux. Occultée et clandestine pendant tout le XIXe siècle, son œuvre littéraire est réhabilitée au milieu du XXe siècle part Jean-Jacques Pauvert. Sa reconnaissance unanime de l'écrivain est représentée par son entrée dans la Bibliothéque de la Pléiade en 1990.
À PROPOS DE LA COLLECTION
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