Comptant au rang des grands
récits de Noël de l’œuvre de Dickens, L’homme
hanté et le marché du fantôme fait merveilleusement philosophie. Un homme,
M. Redlaw, chimiste de profession, homme peu avenant, être un brin
acariâtre, une souffrance ancienne le rongeant, reçoit, un soir de Noël, la
visite d’un fantôme. « Pouvoir à toi, lui dit ce dernier, d’effacer de ta
mémoire tout ce qui te fait souffrir ». M. Redlaw cède, le fantôme, double de
lui-même, lui permet alors d’étendre pareille amnésie à qui Redlaw voudra.
Le terrible piège s’enclenche !!
Car à mesure que M. Redlaw
diffuse son pouvoir, il assiste à la transformation des gens. Épargnés par la
nostalgie, privés des enseignements que leurs blessures d’hier permettent, ceux
que Redlaw sauve deviennent dès lors incapables à la moindre compassion ; ces
hommes sans souffrance apprise se comportent comme des monstres d’inhumanité.
Seule exception à tout
cela : une pauvre femme, bonté d’âme incarnée, qui ne changera rien de sa
personnalité bienveillante et pleine d’amour, une fois le sortilège de M. Redlaw
l’ayant frappée.
Dickens, dénonciateur, comme
toujours, écrivain engagé, cela va de soi, met ici en scène une galerie de
personnages nous donnant à voir la société victorienne dans toute sa
diversité : Redlaw croise, en effet, des miséreux, de pauvres femmes, des
enfants sacrifiés, des bourgeois éhontés, et jusqu’à un étudiant désargenté.
Prenant place dans un Londres
enneigé, que Dickens nous conte à merveille, L’homme hanté et le marché du
fantôme repose sur une formidable intuition. Disant tout des enseignements
de la mémoire visant à nous humaniser, nouvelle servant à l’apologie de notre gentillesse
conquise, L’homme hanté et le marché du
fantôme anticipe d’un très gros demi-siècle les conclusions de la
psychanalyse.
Noël, période de l’année qui
se consacre aux dons, à la compassion, ne s’en trouve ici que mieux expliquée,
dans ce qui en fonde la raison d’être, ajouterions-nous.