Qu'en est-il, en ce début de XXIe siècle, de la sécurité des personnes et des biens ? Le constat est quasiment unanime, on observe, dans les différentes branches du droit, un double mouvement. D'une part, une extension considérable des domaines dans lesquels la sécurité des personnes et des biens est désormais prise en compte. À la vérité, elle semble être devenue une préoccupation inhérente à toute activité humaine. Chacun connaît, depuis longtemps, la sécurité sociale, la sécurité routière, la sécurité aérienne, la sécurité alimentaire, la sécurité médicale... À cette liste, déjà longue, s'ajoutent chaque jour de nouvelles conquêtes : la sécurité des jouets pour enfants, la sécurité des programmes informatiques, la sécurité des tunnels routiers... En quelques années, les normes de sécurité ont investi le droit du travail, le droit des contrats, et même le droit immobilier. En un mot, il n'y a plus de place dans notre société pour l'insécurité - si ce n'est comme source de responsabilité ou de sanction ! D'autre part, et dans le même temps, on constate un glissement de la sphère publique vers la sphère privée. Autrement dit, on assiste à une privatisation de la préoccupation de sécurité. Dans le passé, la sécurité des personnes et des biens relevait de la fonction étatique, au sens large. Elle concernait, au premier chef, les forces armées, la police, les tribunaux répressifs. Aujourd'hui, la sécurité n'est plus seulement l'affaire des pouvoirs publics, elle est devenue l'affaire de tous, individus ou entreprises. L'État se désengage, ou plus exactement déplace la charge d'une exigence de sécurité omniprésente, donc financièrement insupportable. À première vue, cette montée en puissance de la sécurité des personnes et des biens, à travers une réglementation de plus en plus contraignante, n'apparaît pas sans danger. Elle pourrait bien affecter, dans nos sociétés développées, deux valeurs aussi fondamentales que la liberté individuelle et le progrès technique. Mais il est vrai qu'il est également possible d'inverser le propos. On peut considérer, sans faire étalage d'un optimisme démesuré, que la sécurité est une condition nécessaire au plein épanouissement de la liberté et du progrès. Un monde plus sûr, cela peut être aussi un monde plus humain.