Comment peut-on passer d’une justice arbitraire à une justice rationnelle ? Voilà une des questions que se sont posées, au XVIIIe siècle, ceux que l’on appelle aujourd’hui les Philosophes. Leur volonté générale de réforme de la société et de ses institutions s’accompagnait d’une réflexion sur le crime et sa gestion. La ville de Genève a été un des laboratoires de cette réflexion.
Michel Porret montre que ce projet de réforme judiciaire suppose une chose essentielle : pour qu’une justice plus rationnelle soit possible, il faut « qualifier » le crime, en établir les « circonstances », atténuantes ou aggravantes. Ce sera à l’expert de le faire. À partir du siècle des Lumières, on le convoquera sans cesse sur la scène du crime. Qu’il s’agisse de tromperie, de commerce du livre dangereux, de viol, de suicide ou de mort violente, l’expert est partout.
Mais comment saisir son rôle ? Les archives judiciaires genevoises regorgent de récits par lesquels on assiste à la transformation de la façon de rendre la justice à la fin de l’Ancien Régime. Elles révèlent aussi la détresse des petites gens devant les drames dont ils sont victimes. Mêlées à celle des experts et des théoriciens du droit, c’est leurs voix que Michel Porret fait enfin entendre.
Michel Porret est professeur d’histoire à l’Université de Genève. Son ouvrage Le crime et ses circonstances. De l’esprit de l’arbitraire au siècle des Lumières selon les réquisitoires des procureurs généraux de Genève (1995) lui a valu le prix Montesquieu de l’Académie Montesquieu de Bordeaux. Il a également publié Beccaria. Le droit de punir (2003) et L’Homme aux pensées nocturnes (2001), et il a édité plusieurs volumes collectifs sur le XVIIIe siècle.