Il est embringué dans une peinture d’éternité. Il a l’âge du Christ et davantage. Il saute en fils du crucifix. Il s’emmêle dans les barbelés du ciel. Les arbres sont des cadavres debout. À l’extrémité de la mer, on sent la cruauté de l’hiver. Staël, c’est le type d’Antibes qui pousse la musique à plein tube. Sa cuiller racle l’émail de l’assiette. Il finit sa soupe. La fulgurance est une marque de fabrique, une nécessité tellurique, comme un deuil de naissance. Il s’est levé à l’heure du soleil couché. Les broussailles d’atelier sont des figures travaillées. Il enjambe la peinture. Il ne sera pas ce peintre-là. Il tire un trait. Il regarde le ciel. Il se défenestre. Le pinceau avait anticipé le saut. Neuf ans avant, au sortir de la guerre, le peintre avait figuré son geste. La toile baptisée La Vie Dure témoigne, poigne, bouleverse. On voit l’atelier endiablé, un corps d’homme filiforme jeté dans le vide, Staël dégringolé de l’échelle. « Mais ce que j’ai, c’est une formidable volonté de faire toujours plus fort, plus aigu, plus raffiné, toujours plus absolu, avec au bout l’idée du chef-d’œuvre suprême qui serait fait d’une ligne et de vide. »
À PROPOS DE L'AUTEUR
Christian de Maussion vit dans un pays ensoleillé, étoilé de jolies phrases, qui s’appelle « La langue française ». Il y séjourne à l’année depuis ses premières assiduités d’écolier. Ce douzième récit figure un exercice d’admiration, esquisse d’instinct un geste de salutation à l’endroit de Nicolas de Staël. Un jour, l’auteur, au terme de l’aventure, réunira ses textes sous un seul titre : "La plus belle fille du monde". L’auteur aime lire, écrire, ne rien faire. À ses heures, il rédige des chroniques pour Service Littéraire.