« Distrait, inattentif, ennuyĂ© », Adolphe, Ă 22 ans, trouve « quâaucun but ne vaut la peine dâaucun effort ». Un beau jour, pourtant, il a envie dâĂȘtre aimĂ© et dĂ©cide de conquĂ©rir EllĂ©nore. Bien vite, « le charme de lâamour » lui pĂšse comme une chaĂźne. EllĂ©nore, lui sacrifiant « fortune, enfants, rĂ©putation », empoisonne de remords sa belle indiffĂ©rence. La souffrance dâEllĂ©nore nâest pour Adolphe quâun moyen de se connaĂźtre et dâĂ©prouver sa propre luciditĂ©. Plus elle lâaime et lui donne, plus il se refuse, Ă©crasĂ© par sa propre inaptitude Ă aimer. Cet Ă©ternel pas de deux se rĂ©pĂšte Ă satiĂ©tĂ©. Mais, tandis que pour Adolphe il suscite invariablement le mĂȘme Ă©tat dâĂąme et lâabsence de vĂ©ritable Ă©moi, il est pour EllĂ©nore, rongĂ©e par lâamertume et lâhorreur du non-amour, lâaccomplissement dâune fatalitĂ© mortelle.
« âAdolphe, me dit-elle, vous vous trompez sur vous-mĂȘme ; vous ĂȘtes gĂ©nĂ©reux, vous vous dĂ©vouez Ă moi parce que je suis persĂ©cutĂ©e ; vous croyez avoir de lâamour et vous nâavez que de la pitiĂ©.â Pourquoi prononça-t-elle ces mots funestes ? Pourquoi me rĂ©vĂ©la-t-elle un secret que je voulais ignorer ? Je mâefforçai de la rassurer, jây parvins peut-ĂȘtre ; mais la vĂ©ritĂ© avait traversĂ© mon Ăąme ; le mouvement Ă©tait dĂ©truit ; jâĂ©tais dĂ©terminĂ© dans mon sacrifice, mais je nâen Ă©tais pas plus heureux ; et dĂ©jĂ il y avait en moi une pensĂ©e que de nouveau jâĂ©tais rĂ©duit Ă cacher. » B.C.