Jules Verne (1828-1905)
"Le soleil allait disparaĂźtre derriĂšre les collines qui limitaient la vue Ă lâouest. Le temps Ă©tait beau. Ă lâopposĂ©, au-dessus de la mer qui se confondait avec le ciel dans le nord-est et dans lâest, quelques petits nuages rĂ©flĂ©chissaient les derniers rayons, qui ne tarderaient pas Ă sâĂ©teindre dans les ombres du crĂ©puscule, dâassez longue durĂ©e sous cette haute latitude du cinquante-cinquiĂšme degrĂ© de lâhĂ©misphĂšre austral.
Au moment oĂč le disque solaire ne montrait plus que sa partie supĂ©rieure, un coup de canon retentit Ă bord de lâaviso Santa-FĂ©, et le pavillon de la RĂ©publique argentine, se dĂ©roulant Ă la brise, fut hissĂ© Ă la corne de brigantine.
Au mĂȘme instant jaillit une vive lumiĂšre au sommet du phare construit Ă une portĂ©e de fusil en arriĂšre de la baie dâElgor, dans laquelle le Santa-FĂ© avait pris son mouillage. Deux des gardiens, les ouvriers rĂ©unis sur la grĂšve, lâĂ©quipage rassemblĂ© Ă lâavant du navire, saluaient de longues acclamations le premier feu allumĂ© sur cette cĂŽte lointaine.
Deux autres coups de canon leur rĂ©pondirent, plusieurs fois rĂ©percutĂ©s par les bruyants Ă©chos du voisinage. Les couleurs de lâaviso furent alors amenĂ©es, conformĂ©ment aux rĂšgles des bĂątiments de guerre, et le silence reprit cette Ăle des Ătats, situĂ©e au point oĂč se rencontrent les eaux de lâAtlantique et du Pacifique.
Les ouvriers embarquĂšrent aussitĂŽt Ă bord du Santa-FĂ©, et il ne resta Ă terre que les trois gardiens."
Le gouvernement argentin a fait construire un phare sur l'ßle des Etats, au bout du monde. C'est l'inauguration. Trois gardiens viennent prendre leur faction, pour quatre mois, sur cette terre isolée et inhospitaliÚre. Mais sont-ils vraiment seuls ?