L’accouchement à domicile est un événement biologique et social qui fait appel à la solidarité entre femmes dans les communautés rurales haïtiennes technomédicalement démunies. Les naissances difficiles sont traversées de conceptions nomologico-causales et de conceptions exocausales. Dans le premier cas, elles sont perçues comme des phénomènes procédant de lois naturelles et relevant de ce fait des compétences des matrones (mais rien n’empêche un homme de réaliser un accouchement dont le « blocage » est dû à la lenteur de la nature). Dans le second cas, elles sont considérées comme des phénomènes bloqués par une personne malveillante, un lwa ou un mauvais esprit obligeant les matrones et les proches de la parturiente à céder tout ou partie du terrain de l’accouchement à des hommes appelés houngans exerçant occasionnellement le métier de sajès ou fanm chay gason (sages-hommes traditionnels), à des médecins-feuilles qui s’y connaissent un peu en vodou, ou à des mambos. En Haïti, la transition d’une pratique obstétricale traditionnelle prétendument dangereuse à l’industrialisation toute-puissante du phénomène de la naissance n’est pas souhaitable, d’après les témoignages que nous avons collectés auprès des mères et des matrones.