Maurice Maeterlinck (1862-1949)
« Silence and Secrecy ! s’écrie Carlyle, il faudrait leur élever des autels d’universelle adoration. (Si ces jours étaient de ceux où l’on élève encore des autels). Le silence est l’élément dans lequel se forment les grandes choses, pour qu’enfin elles puissent émerger, parfaites et majestueuses, à la lumière de la vie qu’elles vont dominer. Ce n’est pas seulement Guillaume le Taciturne, ce sont tous les hommes considérables que j’ai connus, et les moins diplomates et les moins stratégistes de ceux-ci, qui s’abstenaient de bavarder de ce qu’ils projetaient et de ce qu’ils créaient. Et toi-même, dans tes pauvres petites perplexités, essaie donc de retenir ta langue durant un jour ; et le lendemain, comme tes desseins et tes devoirs seront plus clairs ! Quels débris et quelles ordures ces ouvriers muets n’ont-ils pas balayés en toi-même, tandis que les bruits inutiles du dehors n’entraient plus ! La parole est trop souvent, non comme le disait le Français, l’art de cacher la pensée, mais l’art d’étouffer et de suspendre la pensée, en sorte qu’il n’en reste plus à cacher. La parole est grande, elle aussi ; mais ce n’est pas ce qu’il y a de plus grand. Comme l’affirme l’inscription suisse : Sprechen ist Silbern, Schweigen ist Golden, la parole est d’argent, et le silence est d’or, ou comme il vaudrait mieux le dire : La parole est du temps, le silence de l’éternité.
« Les abeilles ne travaillent que dans l’obscurité, la pensée ne travaille que dans le silence et la vertu dans le secret... »
Divers essais mystiques sur des thèmes comme le silence, l'âme, ou sur la pensée de philosophes qui l'inspirent tels que Novalis, Emerson. Maurice Maeterlinck s'interroge.