Shéhérazade Guyane

Ténue, fragile, la relation qui unit Maurine et Dut pourrait être placée sous l’adage « je t’aime, moi non plus ». Instable, faite d’attraction et de rejet, de ruptures et de retrouvailles, la liaison de la professeur de français et de l’as de l’infiltration a ces saveurs douces-amères qui ne cessent de les déstabiliser, de les rapprocher pour mieux les éloigner. Asymétrique, à l’origine de petites manipulations et de grandes comédies, leur amour, jamais totalement prononcé et confessé, occasionne dans le même temps rage et rancœur. Alors, quand, après la grande rupture, Maurine annonce à Dut qu’elle a obtenu un poste en Guyane, les manœuvres recommencent de part et d’autre de la ligne de front… L’une attendant enfin un engagement de l’autre malgré la distance, le second se faisant tour à tour paternaliste, et même cynique lorsqu’il dépeindra la réalité guyanaise… Un état de fait que ne supportera pas l’exilée qui, pour s’attacher tout autant son amant que pour révolutionner ses conceptions sur la Guyane, se fera fille de Shéhérazade, conteuse d’un nouveau genre… S’inscrivant dans la filiation de la conteuse orientale, mais aussi dans la tradition du roman épistolaire, « Shéhérazade Guyane » exploite avec intelligence l’héritage littéraire, pour s’imposer à la fois comme récit de voyage et relation d’une liaison faite d’accalmie et d’orages… A la croisée des genres donc, entre impressions de l’ailleurs et récit amoureux, reposant aussi sur une oscillation entre ironie et réalisme, légèreté et sincérité, cette œuvre littéralement transgressive a en outre le brio de construire un portrait de femme qui bouleversera les a priori d’un homme. Raison de plus pour le dévorer…