C’était quoi pour vous, la prêtrise ? Vous aviez oublié que le nom de ce sacrement qui vous avait fait prêtre est l’ordre ? Vos désirs font désordre, Arthur. C’est ce que je vous aurais dit si je vous avais connu plus tôt, si je vous avais rencontré. Bas les pattes, vos désirs font désordre à tel point qu’ils pourraient bien disqualifier toutes ces paroles de vérité dont vous osiez vous prétendre héraut !
Il y a aujourd’hui des gamins qui ont grandi jusqu’à l’âge d’homme, dont vous et vos semblables avez tant bousillé la vie qu’ils se revendiquent apostats. Ils appellent même publiquement les victimes de vos agissements à témoigner sur les réseaux sociaux et à les rejoindre dans l’apostasie. Sur le « hashtag balance ton porc » commencent à errer des soutanes. Un court instant j’ai été tentée de rejoindre ces révoltés, de vomir avec eux l’institution qui tentait d’édulcorer leur malheur, comme l’Évangile vomit les tièdes. Mais je me suis dit qu’il y avait sans doute mieux à faire : m’efforcer de comprendre la genèse de cette expérience, de lui trouver un sens à partager.
On parle aujourd’hui assez librement des victimes des prêtres pervers, mais on ne parle pas ou on parle trop peu de leurs victimes collatérales : les épouses, les compagnes, celles qui partagent leur vie et qui doivent partager les conséquences tenaces du traumatisme, en acceptant de faire ménage à trois aussi longtemps que nécessaire. Et c’est aussi pourquoi j’écris : j’aimerais qu’on nous entende. J’aimerais même que ma longue difficile expérience, faite le plus souvent à tâtons, en solitaire, ne soit pas inutile et ne reste pas isolée, mais qu’elle puisse être partagée, éclairer quelque peu la leur, peut-être les aider à trouver quelques raccourcis.