Encore un chef d'œuvre de Boudard, porté à l'écran avec Francis Perrin, Aldo Maccione et Jean-Marc Thibault.
Il s’agit juste d’une petite histoire, dans le sillage des «Combattants du petit bonheur» couronné par le prix Renaudot. On y retrouve bien sûr le héros, le conteur inlassable qui nous rapporte l’aventure du pauvre Jules Ribourdoir mort au champ d’honneur sur le front de Lorraine en septembre 1944 et que son papa, patron boucher de son état, ramène dans sa vieille camionnette à gazogène afin de lui donner une sépulture décente dans le caveau familial à Gentilly. L’itinéraire est tortueux, semé d’embûches dans cette France fraîchement libérée où le général de Gaulle lui-même avait bien du mal à reconnaître les siens. Le pitoyable corbillard de Jules se fraye un difficile passage entre l’armée américaine, les divers groupes de francs-tireurs, les faux héros, les vrais tordus, la suspicion et les enthousiasmes éphémères.
N’allez pas croire que vous allez vous morfondre pendant ce voyage... Pedro l’anarchiste, Jean-Paul le blondinet et Phonphonse, les soldats d’escorte, gardent l’humeur joyeuse. Il y a le vin, la boustiffe, les filles de rencontre, les bonnes plaisanteries caserneuses. On a vingt ans... beau convoyer un copain mort, la vie vous prend à bras-le-corps.
Bien sûr, de temps en temps, le souvenir d’une rafale de mitraillette vous remonte à la mémoire... Une rafale partie pourquoi... Savoir ?... Pour assouvir une vengeance inutile, se passer le goût du meurtre... ou simplement parce que c’est la guerre et qu'il faut bien tuer quelques innocents.
Le corbillard parviendra tout de même à bon cimetière. Pour la plus grande gloire de son père, on enterrera Jules sous les fleurs de rhétorique du camarade Jacques Duclos déplacé tout spécialement pour honorer comme il se doit un petit soldat mort pour la France réconciliée avec sa classe ouvrière.
Alphonse Boudard est une légende de la littérature française d'après guerre aux côtés de René Fallet, Albert Simonin ou encore Antoine Blondin. Né à Paris en 1925, de père inconnu et de mère trop connue, il est élevé dans le 13e arrondissement prolétaire. Résistant de la première heure, il reçoit la médaille militaire. Mais après la guerre, il vit de petits boulots et traficote. Il glisse doucement mais sûrement vers la pègre. Plusieurs séjours en prison et sanatorium lui inspireront La Cerise et L'Hôpital. A 33 ans, il se consacre à l'écriture. Sa langue est verte, nourrie de l'argot et du langage populaire. Ses romans sont largement autobiographiques. Au cinéma, il collabore avec Michel Audiard, puis écrira pour Jean Gabin.